François MARBOT – Commissaire de la Marine, Ordonnateur de la Réunion (1817/1866)

 

 

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Tombe au cimetière de l’Est – Saint-Denis

 

« Presque au même moment où nous nous faisions l’écho, dans notre dernier numéro, des  mauvaises nouvelles qui étaient arrivées de Salazie, relativement à l’état alarmant de M.  Marbot, ce fonctionnaire honorable et estimé expirait, malgré les soins dévoués de la science, malgré la tendre et affectueuse sollicitude de sa digne épouse accourue à son chevet, malgré  enfin les souhaits ardents que ses parents, que ses amis, que la population elle-même, affligée d’un si grand malheur, faisaient pour la conservation des jours de ce membre distingué de l’administration, de ce père exemplaire, de cet excellent citoyen. Bien qu’attendue, la nouvelle de la mort de M. l’Ordonnateur a causé dans notre cité une douloureuse surprise, qui aura été ressentie dans la colonie tout entière.  C’est que M. Marbot avait, dans son court séjour parmi nous, acquis plus d’un titre à notre respectueuse sympathie. Faut-il rappeler qu’en abordant nos rivages il eut l’honneur de tenir les rênes de notre gouvernement et que, quoique de peu de durée, son administration sage et paternelle, méritera d’avoir une place dans notre modeste histoire ? En descendant du premier rang où l’avait appelé la retraite du précédent chef de la colonie, pour occuper les fonctions d’Ordonnateur à la Réunion, M. Marbot sut, dans ce poste encore élevé, continuer à servir le pays avec le dévouement que l’on pouvait attendre d’un des enfants d’une colonie française comme la nôtre. Dans les conseils du gouvernement, il apporta toujours le tribut d’une vaste et solide intelligence ; de rares aptitudes administratives, de connaissances variées et surtout d’une droiture à toute épreuve. Les obsèques de M. Marbot ont été un triomphe pour sa mémoire et ont prouvé que, dans le pays, on n’est ni indifférent pour le vrai mérite, ni ingrat pour les services rendus. Décédé à Hell-Bourg mercredi matin, M. Marbot a été embaumé et transporté à Saint-Denis.  Ses funérailles ont eu lieu ce matin avec toute la pompe et toute la solennité que comportaient le caractère et le rang du défunt.  Le convoi est parti, à sept heures précises, de l’hôtel de l’Ordonnateur, rue de Paris. Un demi bataillon d’infanterie de marine, commandé par M. le colonel Duchesne, formait la double haie. Tous les officiers des ordres civils et militaires composaient, autour du char, un cortège imposant, auquel s’était jointe une grande partie de la population. Les coins du poêle étaient portés par MM. le Directeur de l’intérieur, le Contrôleur colonial, le Maire de Saint-Denis, le Procureur général, le Président de la Cour impériale et Edouard Bailly, commissaire adjoint de la marine. Mgr l’Evêque de Saint-Denis avait voulu donner au défunt un gage de sa haute estime en présidant la cérémonie funèbre. Un nombreux clergé s’empressait autour de Sa Grandeur. En tête du convoi la fanfare militaire exécutait des airs graves et appropriés à la circonstance. Cet appareil à la fois religieux et militaire avait un éclat saisissant. Tout le long de la rue de Paris et aux abords de l’église, la foule était compacte. La cathédrale était pleine comme aux jours des grandes fêtes de la religion.  Le service des morts a été célébré en grande pompe et entendu avec un pieux recueillement. M. le Gouverneur et sa famille y assistaient. Le cortège s’est ensuite dirigé, vers le cimetière avec le même cérémonial. Mgr l’Evêque, assisté de plusieurs prêtres, l’a accompagné à pied et a dit sur le bord de la tombe les dernières prières. A l’instant de la séparation, M. Charles Gandin de Lagrange, Directeur de l’intérieur, un des  amis et des anciens collaborateurs de M. Marbot, a adressé, devant ses collègues et devant toute l’assistance émue, un de ces adieux touchants qui ont le privilège d’arracher des larmes aux plus indifférents. Nous reproduisons ces belles et nobles paroles, dont l’accent restera dans le souvenir de tous ceux qui les ont entendues. Pendant les funérailles de M. Marbot, tous les navires sur rade, et le mât du port avaient leurs pavillons en berne. C’était le dernier hommage rendu à celui qui avait été le chef du service de la marine. M. Marbot, commissaire de la marine, Ordonnateur à la Réunion, était entré très jeune dans la carrière administrative. Doué d’une brillante intelligence et guidé par une vocation sérieuse, le brillant créole de La Martinique parcourut rapidement tous les échelons hiérarchiques du commissariat et arriva, à un âge exceptionnel, à l’un des premiers grades du Corps auquel il appartenait. La rosette d’Officier de la Légion d’Honneur, qui décorait sa poitrine, attestait qu’il était digne de sa haute position.  M. Marbot n’était pas seulement un administrateur éminent. Dans ses loisirs, rares mais féconds, il cultivait les muses, et il lègue à sa patrie des vers créoles (entre autres une imitation des fables de La Fontaine) qui ont obtenu de son vivant un légitime succès et qui lui survivront certainement.  M. Marbot était jeune encore, puisqu’il n’avait que quarante-neuf ans. Ses compatriotes, ses  nombreux amis déploreront le sort fatal qui l’a enlevé, au milieu de l’épanouissement de sa virilité et de son talent.  »

Thomy LAHUPPE – Moniteur de La Réunion n° du 3 novembre 1866

Pout en savoir plus :

http://kapeskreyol.potomitan.info/guides/bambous.php

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