Salon de coiffure à Saint-Denis – 22 rue Ruisseau des Noirs
Dans à peu près chaque ville, existaient des cabinets de coiffure. Ce coiffeur faisait office aussi de barbier. Vous vous en doutiez, cette personne coiffait spécialement les hommes et les rasait mais plus rarement. Parfois les deux du même coup aussi.
Il sagissait dun cabinet modeste (plutôt cabinet que salon), sorte de salle carrée ou en profondeur, pas plus grande quun garage, avec quelques chaises. Cétait courant pour lépoque de trouver dans ce genre de salon, des « chaises pays » dites « chaises de Gol » afin dattendre son tour. Bien souvent, ce genre de local nétait pas lambrissé, et on voyait les poutres apparentes. Pas très joli, joli mais le créole savait égayer les lieux, en collant sur les « murs » des papiers de catalogues avec des dessins multicolores.
Contre une cloison, étaient placées deux sortes de commodes. Celles-ci surmontées de deux moyens miroirs, servaient de table de travail. Ces miroirs, avec le temps se trouvaient très souvent défraîchis ; le tain de la glace détérioré, renvoyait une image de mauvaise qualité. Deux commodes, donc deux places pour la coiffure ou la barbe, et devant chacune une « chaise de Gol » maintenait le client presque immobile, afin dassister à la coupe et de sadmirer même si son image était plus ou moins brouillée.
Les autres clients attendaient eux aussi sur des « chaises pays », où au milieu de ce cercle trônait une petite table sur laquelle traînaient des vieilles revues. Le plus souvent ces magazines de lépoque, faisaient partie de la catégorie des « Nous Deux » ou magazines sportifs. Rares les revues où on pouvait lire les articles instructifs. De toutes manières, une bonne partie de la population savait tout juste lire !! Là les hommes discutaient entre eux de choses et dautres, commentaient les dernières nouvelles du quartier
Au mur, sur ces feuilles de catalogues collées, le coiffeur faisait son décor en accrochant des publicités vantant les mérites de la brillantine de lépoque, dun shampooing ultra qui fortifie les cheveux et les rend plus souples, de
« Intérieur de Chez Michel «
Une lignée de portraits collés au mur montrait à la clientèle des styles de coupe, des modèles, mais hélas, ceux-ci étaient presque toujours similaires. Le client satisfait du fait, quon lui enlevait généralement, un morceau sur la longueur des cheveux et, bien coiffé, il ressortait de là, léger et éprouvait le sentiment comme une autre naissance.
Par ci, par là, de grandes images colorées de coureurs cyclistes ou de match de football faisaient rêver ces hommes qui avaient ces sports comme loisirs. Il est vrai que les passions à cette époque nétaient pas nombreuses !
Sur chaque commode étaient placés un rasoir, des ciseaux, un bâton de savon à barbe Gibbs, des peignes blancs jaunis dont tous édentés nous montrait leur âge approximatifs. « Objets inanimés, avez vous donc une âme… » pourrait on dire afin qu’ils puissent nous dire depuis combien de temps ils sont là.
Le rasoir en forme de canif, c’est-à-dire avec une lame escamotable, demeurait un outil indispensable. Tous ces accessoires côtoyaient une paire de tondeuse, un blaireau placé dans une coupelle en caoutchouc, une lotion après rasage, du savon en pâte etc.
Il débutait la séance en pratiquant un shampooing aux cheveux. Mais comment sorganiser, car bien souvent, il ny avait pas deau courante dans ce genre de local. Cest pourquoi ces cabinets de beauté pour hommes étaient généralement situés à proximité dune fontaine. La corvée deau était de mise Et pour leau chaude, cétait une autre histoire : dans larrière boutique séparée par un rideau de toile, se trouvait une table avec un réchaud. Sur celui-ci, une sorte de chaudron contenant de leau chaude. De temps en temps, afin de maintenir leau tiède, le coiffeur rallumait le feu un instant dessous. Une cuvette de porcelaine (à haut rebord) et un broc à toilette de la même matière sutilisaient afin de laver et mouiller les cheveux.
Après, le coiffeur maniait avec agilité ces outils et toc, toc, et toc, sous les ciseaux, les cheveux tombaient par terre. Il faisait presque le tour du client. Une serviette lourde, de mauvaise qualité était placée comme de nos jours, au cou du client. Puis, cet homme habitué à coiffer, utilisait la paire de tondeuse, appuyait sur les leviers qui, en coupant, faisaient tomber de minuscules cheveux afin de mieux « égaliser ».
Fini cette étape, il passait ses doigts dans la chevelure afin de faire tomber les derniers segments de cheveux restés prisonniers dans la masse. Seulement après, il passait le peigne afin de donner forme à la coiffure. Mais quel peigne !!
Les jeunes enfants suivaient une certaine mode : « cheveux coupés à la brosse ». Cétait là le choix des parents. Autant que les jeunes gens « corner » dun âge mûr étaient sensibles aux plis de leur pantalon à lépoque, autant ils tenaient à la forme de leur carabit, mais aussi de leur moustache quand il y en avait. Faire le carabit consistait à couper soigneusement les pattes en avant de loreille, soit en carré, soit en pointe. Ces pattes se faisaient aux ciseaux et au rasoir pliable. Hop, le rasoir sur la peau, tout comme quand il faisait la barbe, et découpait la forme demandée par le client.
Il arrivait que le rasoir ne coupait pas bien, alors, le coiffeur laffûtait à laide dun « cuir au rasoirs » sur lequel il frottait un bâton de « cire à rasoirs ». Il passait 4 à 5 fois la lame sur le cuir, tantôt dun côté, tantôt de lautre. Et dun il vigilant et pointilleux, il regardait si elle était bien affûtée. Ce barbier possédait une collection de ciseaux, tondeuses mais aussi de rasoirs. Quand un rasoir ne coupait pas bien, même sil venait de le repasser, il en changeait, et le laissait au repos, et en reprenait un autre. Le repos suffit bien souvent à remettre ces rasoirs dans un bon état de coupe.
Le client était exigent, cétait telle coupe qui lui donnait de la classe afin de faire « un coup dzyeux » à une belle jeune fille, en sortant de là.
Après la coiffure, le maître coupeur caressait la chevelure de nouveau afin de lui donner la forme voulue et relevait son travail en ajoutant le même parfum à tous ses clients. Là, il prenait un récipient avec un tuyau caoutchouc muni dune poire, et hop, et hop, le parfum était diffusé sur toute la partie coiffée. Il en ajoutait un peu sur tout le cou de la personne. Le client ressortait de là après avoir payé, avec une paix de lâme, léger
Il pouvait fredonner le vieux séga :
« Ah qui nana, qui nana, grand lauto, nana cest pas combien
Dans mon poche culotte, dans mon poche chemise na point ar-rien
Quand même çà, quand même çà, moi-même jeune gens carner, quand même 犻
Chantal
Sources :
Zhistoires longtemps
Dictionnaire universel de la vie pratique à la ville et à la campagne
Pour chanter Quand même ça – Paroles Georges FOURCADE et Germain HOARAU
http://mi-aime-a-ou.com/quand_meme_ca_parole_chanson_creole.htm