Buste de Pierre POIVRE – Jardin de l’Etat – Saint-Denis
Pierre Poivre est né en 1719 à Lyon dune famille respectable originaire de cette même ville.
Doué dune facilité merveilleuse pour létude des langues, il voulait aller prêcher le christianisme aux peuples de lExtrême Orient. Cest ainsi quil se rendit à Paris à lâge de 19 ans afin de faire une sorte de noviciat aux missions étrangères.
De nombreuses péripéties vont lui forger un destin peu ordinaire.Avant dêtre ordonné prêtre, il souhaitait renoncer au monde européen et faire connaissance avec lendroit où il devait exercer ses missions religieuses. Dun naturel aventureux, il sembarqua pour la Chine. Dès son arrivée dans le port de Canton, il présenta une lettre quon lui avait remise et écrite en chinois, censée lui ouvrir les portes des chrétientés. Mais hélas, celle-ci au lieu de lui ouvrir cette porte attendue, lui en ouvrit une autre toute différente : celle de la prison où il fut jeté dedans. Sa captivité dura deux ans et pendant ce temps, il apprit à comprendre le chinois, et avait aussi appris la langue parlée de toute la nation. Chose non négligeable pour lui.
En 1745 alors quil revenait en Europe pour entrer dans les ordres (il navait pas abandonné son projet), car la foi résiste aux murailles, le bâtiment Le Dauphin sur lequel il occupait une place modeste fut attaqué par les anglais. Il sexposa courageusement fort du péril et eut le poignet emporté par un boulet de canon. Le vaisseau fut pris et le missionnaire, jeté à fond de cale, resta 24 heures sans être pansé. La gangrène sétait établie, et il fallut faire lamputation. Lopération se fit à bord du vaisseau anglais et par leur médecin.
A peine cette « chirurgie » était-elle achevée, le feu prit au bâtiment. Poivre abandonné, perdit non seulement une grande quantité de sang, mais aussi connaissance.
Les anglais manquant de vivres, conduisirent et libérèrent leurs prisonniers à Batavia possession hollandaise. Ce fut dans cette capitale de ces établissements que Poivre prit des connaissances réfléchies sur la culture des épices précieuses que possédaient exclusivement les hollandais. Il étudia donc, cette culture dépices pour soccuper.
Dans ce temps les épices, denrées précieuses, servaient à rémunérer les magistrats lorsquon gagnait un procès ; on se faisait donc une idée précise de ce que la noix de muscade, le girofle, la cannelle pouvait représenter comme richesses aux nations. Ces épices valaient de lor !!
Poivre résolut den enrichir un jour son pays. Au bout de quatre mois, il sembarqua avec le reste des français dans un pays de lOrient. De là, il gagna Pondichéry, cette capitale de nos établissements de lInde, où Dupleix et Labourdonnais avaient des divergences. Lui, homme de paix, il voulut les réconcilier. Ce geste fit que Labourdonnais lemmena avec lui à lIle de France à bord du vaisseau LAchille, il navait pas encore 30 ans. Il faut reconnaître que cest lui qui suggéra à La Compagnie des Indes de fonder un comptoir en Cochinchine et ainsi retirer des hollandais le monopole des épices.
A lIle de France, Mahé de Labourdonnais acheta le Domaine de Mon Plaisir pour y créer un potager. Il y planta des arbres, des plantes venues dailleurs. Mon Plaisir fut la résidence officielle des gouverneurs. Il y resta un certain temps et retourna en Europe. Les péripéties de ce voyageur nétaient pas terminées, car à peine avait-il pénétré dans la Manche, après une pénible navigation, quun bâtiment anglais sempara de son navire et le conduisit à Guernesey. Il fut libre au bout de huit jours.
Les curieuses observations quil avait rapportées de lAsie, jointes à la perfection avec laquelle il parlait le chinois, le cochinchinois, et le malais, fixèrent sur lui lattention de la Compagnie des Indes et le firent choisir en 1749 pour aller en qualité de ministre du roi en Cochinchine. Il faut dire, à présent, que son infirmité le fit renoncer au sacerdoce.
Le souverain de Cochinchine fut surpris de trouver un jeune européen avec lequel il pouvait converser sans interprète. Il se lia damitié à Poivre. Ce dernier mit donc à profit son séjour en recueillant les plantes les plus utiles dans le but de les introduire sur lIle de France. Il devenait ainsi le bienfaiteur de cette colonie en y apportant poivrier, cannellier, plusieurs arbres de teinture, de résine et de vernis, plusieurs espèces darbres fruitiers et le plus précieux des présents quil avait fait : le riz sec dont lacclimatation sur dautres points du globe est à elle seule un immense bienfait. Cette graminée connut un succès jusquen Europe méridionale.
Quittantla Cochinchine, Poivre se rendit ensuite à lIle de France, où il fut confronté aux dissensions intérieures de
Il confia cependant des plants de muscadiers et de girofle à quelques colons de lIle de France. En 1750, il sembarqua pour Manille à la recherche de plantes à épices. Il trouva un pays en feu dont le gouvernement espagnol avait engagé des querelles sérieuses avec toutes les nations voisines, et retenait le roi dIolo prisonnier. Poivre, devant sa douceur, sa franchise à son sang-froid, put obtenir la libération du roi en calmant les esprits.
Plus tard, il traversa des mers infestées de pirates pour revenir après un long périple à lIle de France. Il a dérobé aux hollandais 5 muscadiers et quelques girofliers pour les porter à lIle de France en 1753. Il rêve de faire de cette île, une seconde Moluques.
Ce climat quelque peu hostile le décida de retourner en France en ayant soin de remettre au Conseil Supérieur de la colonie, les plants précieux quil avait apporté et qui furent reconnus pour être des épices fines. Bernardin de Saint Pierre disait : « Le don dune plante utile me parait plus précieux que la découverte dune mine dor et un monument plus durable quune pyramide ».
Pierre POIVRE – Lithographie A. ROUSSIN
Jamais Pierre Poivre navait perdu une occasion de recueillir et de rapporter des connaissances utiles à sa patrie. Dans le Coromandel il avait suivi les procédés employés par les Indiens pour la peinture de belles toiles et avait étudié la composition des teintures. En Chine, il sétait instruit à fond sur les matériaux et la fabrique des porcelaines et sur la manière de préparer les soies de Nankin. A Madagascar, il avait étudié les murs des habitants, ses ports, ses rivières, ses productions et les ressources quil pouvait fournir à nos colonies des îles de France et de Bourbon.
Bon botaniste, il ne pourra cependant, cultiver de bonnes relations avec ses collaborateurs et ses supérieurs. Il se fâche avec le gouverneur Dumas quil fait renvoyer. Il se fâche aussi avec Fusée-Aublet, responsable du jardin de Pamplemousses.
Etant avide de senrichir de connaissances de divers pays, et de retour à Lyon en 1756, il devint membre de plusieurs académies des sciences. Il écrit des conférences.
En 1766 les invitations les plus pressantes du gouvernement pour lIle de France et de Bourbon sappuie sur les connaissances de Poivre, car la Compagnie des Indes avait cessé dexister. On estimait que lui seul pouvait réparer dans ces deux îles, les fautes dune administration qui, navait plus été sous le contrôle de Labourdonnais, et avait été constamment bmalheureuse. Bien quétant en plein préparatif de mariage, le Ministre de la Marine le proposa comme Intendant en insistant. Il accepte et offre donc à sa jeune épouse la traversée des Mascareignes en guise de voyage de noces.
Lorsquil prit ses fonctions en juillet 1767, il trouva les îles de France et Bourbon dans un anéantissement presque complet. Tout avait été négligé en matière de culture, commerce et autres Il eut, à la demande du roi, Philibert Commerson, passionné de botanique, comme collaborateur. Ce dernier étudia la flore de tout locéan indien. Poivre parvint à tout rétablir. Ses premiers soins se portèrent sur la culture des aliments comestibles. Il mit une grande activité à introduire de Madagascar, du Cap de Bonne Espérance et de lInde, une foule danimaux domestiques et toutes les productions propres à la consommation, bien sûr pour les habitants mais aussi pour ravitailler les navires. Il organise la destruction des sauterelles qui se trouvaient un fléau pour les plantations des îles. En 6 ans, il fit de ces îles des colonies enviées et organisées. Il introduisit limprimerie à lIle de France, et ce que nous savons tous, les épices : cannelle de Ceylan, girofle, muscade et plusieurs dizaines dessences rares. Il créa un des plus beaux jardins botanique du Monde : le jardin de Pamplemousses (ancien domaine Mon Plaisir).
Cest en 1769 que Pierre Poivre rencontra t au Jardin de Pamplemousses, Joseph Hubert. Impressionné par lintérêt du jeune homme pour la botanique, il lui remit quelques épices pour Bourbon. Les girofliers et muscadiers périrent. En 1772 Poivre lui fit parvenir dautres plants de ces deux espèces et cette fois, ces expériences eurent un succès.
En 1773, lIle de France avait quintuplé ses récoltes de riz et de froment. Il cultiva lampalis ou mûrier à gros fruit vert de Madagascar, du thé de Chine, bois de campêche, dattier, cocotier, manguier, badamier, letchi, longani, lavocat des Antilles, mabolo des Philippines, mangoutan et autres sans oublier le sagoutier.
Cest cette période que Bourbon retiendra pour la plus importante à son développement.
Luvre de Pierre Poivre aux Mascareignes est considérable. Quand il quitte lîle le 23 août 1772, le jour de ses 53 ans, il dresse dailleurs un bilan élogieux : introduction de limprimerie à Maurice, Jardin de Pamplemousses. Il est à lorigine du peuplement des Seychelles, culture darbres fruitiers : fruit à pain, letchi, avocatier, cacaoyer, manguier,et autres sans compter les espèces quil acclimate. Il améliore le sort des esclaves et pourvoi à leur instruction religieuse.
Regagnant Lyon en 1773 il se fixa dans son agréable retraite. Ses innombrables voyages ainsi que ses tribulations avaient affaibli sa constitution. Il meurt en 1786.
Chantal Leperlier
Sources :
Dictionnaire biographique de la Réunion
Guide du routard
Histoire de la Réunion