Pierre Poivre un lyonnais : 1719-1786

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Buste de Pierre POIVRE – Jardin de l’Etat – Saint-Denis

Pierre Poivre est né en 1719 à Lyon d’une famille respectable originaire de cette même ville. 

Doué d’une facilité merveilleuse pour l’étude des langues, il voulait aller prêcher le christianisme aux peuples de l’Extrême Orient. C’est ainsi qu’il se rendit à Paris à l’âge de 19 ans afin de faire une sorte de noviciat aux missions étrangères. 

De nombreuses péripéties vont lui forger un destin peu ordinaire.Avant d’être ordonné prêtre, il souhaitait renoncer au monde européen et faire connaissance avec l’endroit où il devait exercer ses missions religieuses. D’un naturel aventureux, il s’embarqua pour la Chine. Dès son arrivée dans le port de Canton, il présenta une lettre qu’on lui avait remise et écrite en chinois, censée lui ouvrir les portes des chrétientés. Mais hélas, celle-ci au lieu de lui ouvrir cette porte attendue, lui en ouvrit une  autre toute différente : celle de la prison où il fut jeté dedans. Sa captivité dura deux ans et pendant ce temps, il apprit à comprendre le chinois, et avait aussi appris la langue parlée de toute la nation. Chose non négligeable pour lui.

En 1745 alors qu’il revenait en Europe pour entrer dans les ordres (il n’avait pas abandonné son projet), car la foi résiste aux murailles, le bâtiment Le Dauphin sur lequel il occupait une place modeste fut attaqué par les anglais. Il s’exposa courageusement fort du péril et eut le poignet emporté par un boulet de canon. Le vaisseau fut pris et le missionnaire, jeté à fond de cale, resta 24 heures sans être pansé. La gangrène s’était établie, et il fallut faire l’amputation. L’opération se fit à bord du vaisseau anglais et par leur médecin. 

A peine cette « chirurgie » était-elle achevée, le feu prit au bâtiment. Poivre abandonné, perdit non seulement une grande quantité de sang, mais aussi connaissance. 

Les anglais manquant de vivres, conduisirent et libérèrent leurs prisonniers à Batavia possession hollandaise. Ce fut dans cette capitale de ces établissements que Poivre prit des connaissances réfléchies sur la culture des épices précieuses que possédaient exclusivement les hollandais. Il étudia donc, cette culture d’épices pour s’occuper. 

Dans ce temps les épices, denrées précieuses, servaient à rémunérer les magistrats lorsqu’on gagnait un procès ; on se faisait donc une idée précise de ce que la noix de muscade, le girofle, la cannelle pouvait représenter comme richesses aux nations. Ces épices valaient de l’or !!  

Poivre résolut d’en enrichir un jour son pays. Au bout de quatre mois, il s’embarqua avec le reste des français dans un pays de l’Orient. De là, il gagna Pondichéry, cette capitale de nos établissements de l’Inde, où Dupleix et Labourdonnais avaient des divergences. Lui, homme de paix, il voulut les réconcilier. Ce geste fit que Labourdonnais l’emmena avec lui à l’Ile de France à bord du vaisseau L’Achille, il n’avait pas encore 30 ans. Il faut reconnaître que c’est lui qui suggéra à La Compagnie des Indes de fonder un comptoir en Cochinchine et ainsi retirer des hollandais le monopole des épices.

A l’Ile de France, Mahé de Labourdonnais acheta le Domaine de Mon Plaisir pour y créer un potager. Il y planta des arbres, des plantes venues d’ailleurs. Mon Plaisir fut la résidence officielle des gouverneurs. Il y resta un certain temps et retourna en Europe. Les péripéties de ce voyageur n’étaient pas terminées, car à peine avait-il pénétré dans la Manche, après une pénible navigation, qu’un bâtiment anglais s’empara de son navire et le conduisit à Guernesey. Il fut libre au bout de huit jours.

Les curieuses observations qu’il avait rapportées de l’Asie, jointes à la perfection avec laquelle il parlait le chinois, le cochinchinois, et le malais, fixèrent sur lui l’attention de la Compagnie des Indes et le firent choisir en 1749 pour aller en qualité de ministre du roi en Cochinchine. Il faut dire, à présent, que son infirmité le fit renoncer au sacerdoce.

Le souverain de Cochinchine fut surpris de trouver un jeune européen avec lequel il pouvait converser sans interprète. Il se lia  d’amitié à Poivre. Ce dernier mit donc à profit son séjour en recueillant les plantes les plus utiles dans le but de les introduire sur l’Ile de France. Il devenait ainsi le bienfaiteur de cette colonie en y apportant poivrier, cannellier,   plusieurs arbres de teinture, de résine et de vernis, plusieurs espèces d’arbres fruitiers et le plus précieux des présents qu’il avait fait : le riz sec dont l’acclimatation sur d’autres points du globe est à elle seule un immense bienfait. Cette graminée connut un succès jusqu’en Europe méridionale. 

Quittantla Cochinchine, Poivre se rendit ensuite à l’Ile de France, où il fut confronté aux dissensions intérieures de la Compagnie des Indes, et compromit son souhait d’enrichir son pays des précieuses sources des épices.

Il confia cependant des plants de muscadiers et de girofle à quelques colons de l’Ile de France. En 1750, il s’embarqua pour Manille à la recherche de plantes à épices. Il trouva un pays en feu dont le gouvernement espagnol avait engagé des querelles sérieuses avec toutes les nations voisines, et retenait le roi d’Iolo prisonnier. Poivre, devant sa douceur, sa franchise à son sang-froid, put obtenir la libération du roi en calmant les esprits. 

Plus tard, il traversa des mers infestées de pirates pour revenir après un long périple à l’Ile de France. Il a dérobé aux hollandais 5 muscadiers et quelques girofliers pour les porter à l’Ile de France en 1753. Il rêve de faire de cette île, une seconde Moluques. 

Ce climat quelque peu hostile le décida de retourner en France en ayant soin de remettre au Conseil Supérieur de la colonie, les plants précieux qu’il avait apporté et qui furent reconnus pour être des épices fines. Bernardin de Saint Pierre disait : « Le don d’une plante utile me parait plus précieux que la découverte d’une mine d’or et un monument plus durable qu’une pyramide ». 

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Pierre POIVRE – Lithographie A. ROUSSIN 

Jamais Pierre Poivre n’avait perdu une occasion de recueillir et de rapporter des connaissances utiles à sa patrie. Dans le Coromandel il avait suivi les procédés employés par les Indiens pour la peinture de belles toiles et avait étudié la composition des teintures. En Chine, il s’était instruit à fond sur les matériaux et la fabrique des porcelaines et sur la manière de préparer les soies de Nankin. A Madagascar, il avait étudié les mœurs des habitants, ses ports, ses rivières, ses productions et les ressources qu’il pouvait fournir à nos colonies des îles de France et de Bourbon. 

Bon botaniste, il ne pourra cependant, cultiver de bonnes relations avec ses collaborateurs et ses supérieurs. Il se fâche avec le gouverneur Dumas qu’il fait renvoyer. Il se fâche aussi avec Fusée-Aublet, responsable du jardin de Pamplemousses. 

Etant avide de s’enrichir de connaissances de divers pays, et de retour à Lyon en 1756, il devint membre de plusieurs académies des sciences. Il écrit des conférences. 

En 1766 les invitations les plus pressantes du gouvernement pour l’Ile de France et de Bourbon s’appuie sur les connaissances de Poivre, car la Compagnie des Indes avait cessé d’exister. On estimait que lui seul pouvait réparer dans ces deux îles, les fautes d’une administration qui, n’avait plus été sous le contrôle de Labourdonnais, et avait été constamment bmalheureuse. Bien qu’étant en plein préparatif de mariage, le Ministre de la Marine le proposa comme Intendant en insistant. Il accepte et offre donc à sa jeune épouse la traversée des Mascareignes en guise de voyage de noces.

Lorsqu’il prit ses fonctions en juillet 1767, il trouva les îles de France et Bourbon dans un anéantissement presque complet. Tout avait été négligé en matière de culture, commerce et autres… Il eut, à la demande du roi, Philibert Commerson, passionné de botanique, comme collaborateur. Ce dernier étudia la flore de tout l’océan indien. Poivre parvint à tout rétablir. Ses premiers soins se portèrent sur la culture des aliments comestibles. Il mit une grande activité à introduire de Madagascar, du Cap de Bonne Espérance et de l’Inde, une foule d’animaux domestiques et toutes les productions propres à la consommation, bien sûr pour les habitants mais aussi pour ravitailler les navires. Il organise la destruction des sauterelles qui se trouvaient  un fléau pour les plantations des îles. En 6 ans, il fit de ces îles des colonies enviées et organisées. Il introduisit l’imprimerie à l’Ile de France, et ce que nous savons tous, les épices : cannelle de Ceylan, girofle, muscade et plusieurs dizaines d’essences rares. Il créa un des plus beaux jardins botanique du Monde : le jardin de Pamplemousses (ancien domaine Mon Plaisir). 

C’est en 1769 que Pierre Poivre rencontra t au Jardin de Pamplemousses, Joseph Hubert. Impressionné par l’intérêt du jeune homme pour la botanique, il lui remit quelques épices pour Bourbon. Les girofliers et muscadiers périrent. En 1772 Poivre lui fit parvenir d’autres plants de ces deux espèces et cette fois, ces expériences eurent un succès. 

En 1773, l’Ile de France avait quintuplé ses récoltes de riz et de froment. Il cultiva l’ampalis ou mûrier à gros fruit vert de Madagascar, du thé de Chine, bois de campêche, dattier, cocotier, manguier, badamier, letchi, longani, l’avocat des Antilles, mabolo des Philippines, mangoutan et autres…sans oublier le sagoutier.  

C’est cette période que Bourbon retiendra pour la plus importante à son développement.  

L’œuvre de Pierre Poivre aux Mascareignes est considérable. Quand il quitte l’île le 23 août 1772, le jour de ses 53 ans, il dresse d’ailleurs un bilan élogieux : introduction de l’imprimerie à Maurice, Jardin de Pamplemousses. Il est à l’origine du peuplement des Seychelles, culture d’arbres fruitiers : fruit à pain, letchi, avocatier, cacaoyer, manguier,et autres… sans compter les espèces qu’il acclimate. Il améliore le sort des esclaves et pourvoi à leur instruction religieuse. 

Regagnant Lyon en 1773 il se fixa dans son agréable retraite. Ses innombrables voyages ainsi que ses tribulations avaient affaibli sa constitution. Il meurt en 1786. 

Chantal Leperlier 

Sources : 

La France pittoresque

Dictionnaire biographique de la Réunion

Guide du routard

Histoire de la Réunion

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