La grippe espagnole – 1919

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Fosse commune – Cimetière de l’Est- Saint-Denis 

 Ce fléau était parti d’Asie, mais ayant pénétré l’Europe par l’Espagne, ce qui lui donna le nom de « grippe espagnole ». Il a causé énormément de morts, il a plus tué que la guerre, dit-on… 

Une rencontre entre Américains, Africains et Européens, propagea la maladie sur toute la terre entière. On n’était pas encore remis de la première guerre mondiale et cette catastrophe arrive.

Comment cette maladie est arrivée à la Réunion ? Certains disent que le bateau « la Madona » avait pris de la terre dans un cimetière abandonné à Dakar. Or celle-ci était contaminée par le virus de la peste. Mais parait-il que cette hypothèse avait été avancée pour ne pas faire porter la responsabilité de l’introduction du virus par les défenseurs de la Patrie.

Les bateaux quittant les ports de la Méditerranée, passant par le Canal de Suez, ont propagé cette maladie un peu partout sur la côte est d’Afrique ; cette terre a certainement contaminé les gens, mais aussi tout ce qu’il contenait.

Toujours est-il qu’avant que « la Madona » soit arrivé à l’île de la Réunion, beaucoup de personnes décèderont à bord. L’équipage ne pouvait rien faire, car on ne connaissait rien sur cette grippe. Jusqu’à ce jour, on n’a pas fait toute la lumière sur ce virus, il reste encore à faire. Huit jours plus tard, la maladie apparaît à la prison centrale de Saint-Denis. En peu de jours elle prend un caractère d’extrême gravité. Oui, parce que le « petit train » qui était le seul moyen de transport de gens et de marchandises (à part la charrette) véhiculait toutes les denrées débarquées au Port : riz, grains, saindoux, tissus, meubles…mais contaminés sur « la Madonna ». Ces produits entreposés dans les gares étaient distribués chez les commerçants par « charrette bœuf » dans tous les quartiers.

La population a peur. Les gens se posent des questions : « avons-nous la peste ? ». Ils se ferment tous chez eux. La grippe n’avait pas les mêmes symptômes chez tous les malades. Chez les uns, elle commençait par des maux de ventre, avec « diarrhée galopante » continuelle. D’autres souffraient de terribles maux de tête, avec toux sèche. D’autres encore toussaient affreusement et crachaient du sang. Mais tous ces maux étaient inévitablement accompagnés de très forts accès de fièvre, et d’un affaiblissement chez le malade. Et ainsi, les gens contaminés mourraient dans de très grandes douleurs ou dans le coma après trois ou quatre jours de maladie.

Les élus donneront des précautions à leurs administrés : introduire dans les narines et les oreilles matin et soir un liquide antiseptique, quelques gouttes de goménolée, de vaseline mentholée, se gargariser avec une solution à 27 pour 1000 de perborate de soude ou avec de l’eau bouillie additionnée de quelques gouttes d’iode, et surtout recourir au médecin au moindre symptôme.

Le directeur de l’Intérieur accorde aux municipalités une certaine quantité de rhum exonérée de droit, car le gouverneur avait demandé aux maires de recommander aux habitants l’usage d’une tisane d’écorce de bois de merle (plante locale) additionnée d’un peu de rhum dont le pouvoir fébrifuge égale celui de la quinine. Certains pour tenter de vaincre le virus avaleront des quantités impensables de rhum pur. D’autres se disent que l’abstinence est le meilleur remède ; alors que personne ne sait.

Pour ne pas propager cette maladie, il ne fallait jamais cracher en dehors de récipients contenant du crésyl, c’est une mesure qu’on avait prise. Dans toutes les cités à partir de la mi-avril, la vie semblait s’être arrêtée. Au Port les magasins des « arabes », les boutiques des Chinois, les restaurants, les pâtisseries ont cessés leurs activités ; mais aussi marchand de lait, les colporteurs, et maintes professions… A Saint-Paul, les seules personnes qui se déplaceront sont celles qui vont à la perception réclamer leurs allocations familiales ou aller à la mairie déclarer un décès. Les activités étant stoppées, les gens meurent autant de faim que de maladie.

La Réunion manquait de quinine et de médicament. La fin des malades arrive dans un milieu d’horreur et d’abandon des coutumes touchant à la mort. Certains tenteront d’aller au cimetière pour accompagner leurs morts, mais ils y laisseront leur vie aussi ! On dit même qu’un curé avait voulu bénir des dépouilles au cimetière, et il est mort de la maladie. Les cadavres de Saint-Denis sont si nombreux que le service des Pompes funèbres ne peuvent les acheminer jusqu’au cimetière

A partir du 22 avril un « Service de morts » est assuré grâce à une charrette à bras tirée par les soldats, puis les prisonniers, à qui on avait promis une remise de peine. La promesse fut-elle tenue ?? Certainement pas, car ils survivraient peu à leur tâche, étant trop exposés au virus

Vite dépassé, on arriva à un moment où on ne put enterrer les morts. Les gens sans vie étaient dans la rue, mourraient de faim, et ce manque d’hygiène engendra un encombrement et un encrassement des rues qui augmenta la mortalité. En plus, les cadavres de la rue attiraient les chiens errants, mais aussi les cochons en liberté à cette époque !! Et on était en période de chaleur, où les corps se décomposaient très vite.

Sur la charrette municipale, on chargeait les cadavres de tous âges, sexes confondus, en un sinistre entassement. On faisait alors état de plus de 100 morts par jour. On avait fait fouiller une fosse commune qu’on se garde bien de remuer la terre de ces « pestiférés ».

La charité publique ne pouvait rien contre ce fléau qui semblait régresser de lui-même. Avec toute cette épidémie, il fallait encore que la météo s’en mêle. Un bref et violent ouragan balaie le nord et l’est et par conséquent les foyers infectieux. Après cette tempête, le gouverneur Manès signalait une régression nette des cas. Les pluies et autres balayèrent les miasmes de la peste, aussi les réunionnais disaient « le cyclone la peste » a bel et bien délivré la population de ce fléau. Le bilan : il y eut des milliers de morts dans les quartiers et sur Saint-Denis des milliers aussi, dont beaucoup n’ont pas été déclaré à l’état-civil. En quarante jours il y eut 10 000 morts. 

Chantal 

Sources : 

Ile à peur

La Réunion

Coupures de presse

Mémorial de la Réunion

 

 

Pour en savoir plus sur la grippe coloniale, à lire :

 

 

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