Au bon vieux temps des varangues

v3.JPG

Quand on parle de varangue, on évoque la sieste, les causeries, entre gens du même monde…dans les colonies. C’est quelque chose de spécifique à l’habitat créole.

La varangue est issu du mot véranda (ou vérandah). Le mot vérandah apparaît en France, grâce à la traduction d’un compte rendu de voyage aux Indes (bien sûr) mais elle ne se répand vraiment qu’au 19 ème siècle pour désigner une galerie légère, en bois, parfois vitrée, adossée à une maison.

Quant au mot varangue il a, à peu près la même signification, mais le sens s’est spécialisé dans la vie coloniale. C’est un mot marin d’origine scandinave, synonyme de vérandah. On dit aussi que c’est sans doute une déformation phonétique qui a valu au changement du mot véranda (d’origine indo portugaise) en « varangue » qui désigne une partie de la maison non fermée ; A noter qu’en tamoul « taj vâram » désigne un couloir recouvert d’un toit.

En Métropole on n’entendra pas beaucoup, parler de varangue, mais de vérandah. La varangue est surtout propre aux belles maisons créoles, aux belles demeures !!!

Les maisons créoles, en ce temps-là, étaient en bois et parfois pleines de bestioles…vu l’ancienneté. La varangue est largement ouverte sur le jardin, généralement encadré de deux pignons précédant le corps de la villa et se situant à quelques marches au niveau de la cour, afin d’éviter l’humidité. Elle permettait l’accès à la pièce principale, c’est-à-dire le salon. Elle assurait en quelque sorte un rôle de boudoir, de bavardoir, de fumoir, disait Marius et Ary Leblond, des poètes réunionnais. Cette pièce permettait aussi d’avoir de la fraîcheur au salon. A une époque même, elle était réservée pour recevoir la famille, les amis, les proches et le salon  pour d’autres gens.

v2.JPG

On s’y asseyait bien souvent dans des fauteuils créoles, autour d’une tasse de café, de thé selon l’heure. Il faut le reconnaître, la Réunion n’a jamais été trop grand consommateur de thé. La varangue est l’insigne révélateur d’une manière de vivre et d’être. Elle présente l’extrême mérite d’amener le réunionnais à interroger son passé, à réfléchir sur des travaux récents durant les longues soirées. Parfois, les bonnes gens, pendant les soirs chauds, s’installaient sous la varangue décorée de lambrequins, et regardaient la nuit. Il faut savoir qu’on n’avait pas encore l’électricité, donc pas de télévision.Quoi faire d’autre que de la causette, tous assis confortablement dans un fauteuil créole ? Les hommes discutaient politique, les femmes de leurs enfants, quant aux enfants, ils jouaient à se faire peur dans le noir. Quelle belle époque où tout était si simple et l’on prenait le temps de vivre !! C’était le bon vieux temps…

Dans cette pièce, par beau temps ou par pluie, avaient lieu des tractations, des discussions relatives à des mariages ou fiançailles futures, de condoléances politiques et autres… L’après-midi, au moment de la sieste, les vieux créoles s’installaient sous la varangue et discutaient tout en buvant le café à cette heure-ci.Les vieilles demoiselles, dans ces demeures, avaient adopté cette varangue comme lieu de leurs collections d’orchidées, de songes tels caladium, et de capillaires. Ainsi, la maîtresse de maison avait l’avantage de recevoir ses invités en contact direct avec le jardin tout en restant à l’abri de la pluie ou du soleil, et en plus dans un écrin de verdure que procuraient capillaires, songes, fougères…Quatre fauteuils créoles étaient disposés en rond. C’étaient des fauteuils de varangue comme on peut l’imaginer. Ces meubles comptent parmi les plus importantes créations de la première moitié du 19 ème siècle. Au milieu trônait un guéridon de bon bois pays. En général il était à quatre pieds, le modèle viendrait de la Compagnie des Indes.Sur un côté de cette varangue, et à l’intérieur, était placé une sorte d’escalier en bon bois du pays, à 3 ou 4 marches, en forme de quart de cercle, sur celles-ci étaient disposées avec goût, des fanjans de capillaires, de songes, de fougères de toutes sortes, méticuleusement arrosés et entretenus. La réception des invités, c’est-à-dire des proches, se faisait donc à cet endroit dans cet écrin de verdure et de fraîcheur.

Un napperon brodé de dentelles ou crocheté par des mains expertes, recouvrait partiellement le guéridon, et dessus encore trônait le fanjan le plus fourni, le plus étoffé, bien souvent le capillaire.

Depuis les années 1970, parait-il, les guéridons servent plus souvent de meubles d’intérieur, car les grandes vérandas ou varangues se raréfient.

Encore une fois, c’était le bon vieux temps !!!

v1.JPG

Chantal 

Sources :

A la découverte de la Réunion

Agenda de la Réunion

Le piment des mots créoles

Patrimoine               

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.