Cet article a été écrit spécialement à ma demande par Chantal (et je la remercie ici du fond du coeur) pour honorer Rita ELISABETH.
Rita est bénévole à la prison de Domenjod, où elle anime un atelier couture pour les détenues.
Régine
Rita et ses ouvrages
Autrefois le tissu étant rare, nos aïeules recueillaient toutes sortes de chutes de toile, afin de les assembler et en faire un ouvrage. Dailleurs, cette matière était règlementée pendant la guerre, au même titre que le riz, le maïs, lhuile, le saindoux, le savon et autres
Au début, nos aïeules taillaient des carrés quelles assemblaient afin de faire un couvre-lit par exemple. Mais à la longue, la mode a changé. Elle devient ronde ou hexagonale ou autres formes. Quand elles exécutaient la forme ronde, le verso était froncé pour obtenir ce rond quon assemblait en partie, seulement là où les points se touchaient. Il était donc, original de travailler la forme hexagonale. Aussi, dans des carrés de tissus de toutes sortes de couleurs, nos anciennes découpaient des carrés. En parallèle, elles découpaient cette même figure géométrique dans du carton ou du métal (fer blanc). Ce carton (ou métal) découpé, servait de modèle pour plier le tissu carré. Ainsi, nos grands-mères ajustaient leurs carrés de toile et recouvraient partiellement le carton à laiguille (à lenvers) pour obtenir la forme de lhexagone. Juste avant de terminer, elles enlevaient cette matrice qui leur permettait davoir cette forme, et le tour était joué, leur tissu avait eu la forme parfaite pour être travaillée ultérieurement.
Aussi, elles préparaient un grand nombre de ces figures à six côtés dans divers coloris. Elles savaient combien de pièces il leur fallait pour exécuter tel ouvrage de telle dimension. Tous ces hexagones étaient assemblés à la main et à lenvers. Les toiles étaient choisies dans une même espèce pour un même ouvrage, afin de ne pas trouver un hexagone très mince côtoyant un autre en lainage. Ces couturières adaptaient leur matériau, selon les natures et les épaisseurs.
Objets réalisés par Rita pour son confort à la messe
(repose-genoux et housse de coussin pour banc déglise)
Il fallait énormément de patience à nos ancêtres, pour assembler ce tapis mendiant. Il sappelait ainsi parce quil était fait de chutes de tissus de diverses provenances. On aurait dit quon avait mendié le textile pour coudre. Certaines personnes, ayant des vêtements déchirés, au lieu de les mettre à la poubelle pensent à ces couturières, afin quelles se donnent à fond dans leur dérivatif de tapis mendiant. Ainsi, le vêtement déchiré aura une seconde jeunesse. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui sattache à notre âme et la force daimer » disait Lamartine.
Chaque ouvrière avait le don de les assembler avec goût, soit en faisant une couronne rouge, puis une autre dune autre couleur etc Dautres préféraient assembler çà et là selon leur humeur, les coloris disponibles. Dautres encore, traçaient sur papier, des motifs, comme si elles allaient travailler sur canevas et là, assemblaient afin den faire un motif. Cette dernière manière était utilisée surtout pour les coussins.
Au tout début de cet artisanat, nos aïeules assemblaient ce bouts détoffe afin den faire des piquettes. Celles-ci faisaient partie de la layette de bébé et se trouvait être une sorte de lange avec lequel les personnes prenaient le bébé pour le bercer et le tenir. Il permettait dabsorber les « pipis » de nos chérubins, sans mouiller ses propres vêtements. La piquette était de forme carrée composée de trois parties. Le dessus, le dessous et à lintérieur, une pièce de tissu éponge. Cette dernière absorbait le liquide indésirable et ainsi la mère de famille ou une autre personne ne se mouillait pas, ou très peu.
Ce linge, très souvent était piqué à la machine, en plus des assemblages à la main. Il rejoignait la technique du patchwork et du piqué.
Nul doute que les immigrés européens naient emporté dans leurs bagages, les techniques de lappliqué et du boutis On les retrouve tous genres confondus, dans de nombreux quilts patchwork américains. Le patchwork est un mot fourre-tout, synonyme dun artisanat typiquement américain, révélé en France ultérieurement. Le quilt est plus ancien (18 et 19 ème siècle) et demeure cher. Le patchwork innove principalement parce quil nest pas fait dun seul tenant, mais dune juxtaposition de morceaux différents. Et pourquoi ? Non pour lesthétique, mais par nécessité. Pour économiser. Les femmes de pionniers sont pauvres. De tissus elles nen ont point. Alors, elles inventent le recyclage, en rassemblant leurs vieux vêtements usagés, y compris des chutes de la taille dun timbre poste !
Puis, louvrage étant hexagonal, la piquette adopte cette forme et elles la bordaient avec un biais pour plus de finitions. Les personnes faisant cet artisanat, se lançaient dans la confection de couvre-lit, couette, plaid, édredon etc Elles y inséraient au lieu de léponge, une matière de lainage pour chauffer davantage, quand elles préparaient un édredon. Autrement, les ouvrages ne sont pas doublés mais bien sûr les assemblages au point de surjet, se faisaient avec du fil de couleur assorti, et il était préférable dutiliser du fil en écheveau.
Les fleurs faites de sept rosaces sont parfois surpiquées sur un édredon. Afin de mieux asseoir le travail, les ouvrières pratiquaient du « matelassage ». Dautres ne doubleront pas leur travail et de ce fait, pourront montrer lauthenticité du « Fait Main ». Cette technique est beaucoup utilisée à la Réunion dans lartisanat. Elle se pratiquait beaucoup dans les lieux retirés où les femmes navaient pas de quoi se distraire. Elles donnaient alors libre cours à leur imagination en assemblant ces rosaces préalablement préparées et destinées à tel ouvrage. Parfois elles assemblaient à la manière dun puzzle comme jai dit plus haut.
Aussi, dans les expositions artisanales « Fait Main », on en trouve à vendre de magnifique, mais le client boude le prix en le comparant à un autre édredon qui nest pas comparable. Il faut savoir que cet ouvrage est fait main, quil faut avoir de la patience, de la technique, du temps, pour effectuer une grosse pièce telle un couvre-lit. Ces femmes travaillent (du moins certaines) sur commande pour les grosses pièces.
Autrefois, sur les bouteilles de vin, sous les capsules, nos grands-mères récupéraient une sorte de bouchon plastique. Ceux-ci, elles les ramassaient ou plutôt les collectionnaient, enlevaient la partie centrale. Il ne restait plus quun anneau. Nos ancêtres recouvraient ces anneaux avec du fil coton perlé de couleur et au point de feston, et les assemblaient tels les ouvrages patchwork afin de faire des petits napperons, soit carrés, soit rectangulaires, ronds ou en forme de losange pour décorer un buffet ou une table à manger.Toutes sortes de matériaux étaient utilisés pour assembler à la manière du « patchwork ».
Chantal
Sources
A lEcoute
Encyclopédie de la Réunion
Pour en savoir plus sur Rita :
http://www.secours-catholique.org/delegation/la_reunion/pdf/ra_2007.pdf
Merci à Chantal, pour cet écrit qui évoque avec beaucoup de talent comment nos grand-mamans réalisaient avec de simples bouts d’étoffe l’indispensable « piquette » (ou alaise), qu’elles préparaient avec savoir-faire et sans panique pour la layette de leur futur bébé.
Affectueuses pensées à Régine et bises à toutes deux.
Anne-Monique
J’aime bien ces souvenirs d’une autre époque, d’un autre temps…c’est ce qui fait notre culture réunionnaise !